antoine Spath, Pschologue nation, spécialiste de l'hypnose et sexologue
L’HYPNOTHÉRAPIE

QU’EN ATTENDRE CONTRE L’ACOUPHÈNE ET L’HYPERACOUSIE.



Par Antoine SPÄTH, psychologue, hypnothérapeute.



Il était une fois les acouphènes… Si l’introduction de ce petit article commence un peu comme un conte, c’est que ce phénomène reste encore, hélas, bien mystérieux. C’est pourquoi tout en se gardant de tirer des conclusions hâtives, il faut continuer d’espérer, en envisageant toutes les solutions conduisant au mieux être. Et pour ce faire :



Faire entendre son histoire.



Lorsqu’un patient souffrant d’acouphènes entreprend de raconter son expérience sensorielle douloureuse au corps médical ou à ses proches, son récit est souvent réduit à une dimension imaginaire ou fictive : C’est dans votre tête que cela se passe… Cette affirmation fréquemment répétée aux oreilles du patient, le renvoie à une négation de sa souffrance. Comme si l’acouphénique venait conter je ne sais quel mirage ou illusion de l’esprit à un auditoire peu crédule sur la réalité de ces manifestations sonores.



Mais contrairement à ces conteurs qui captivent, fascinent l’attention d’autrui, la personne acouphénique devient le héros malheureux de son propre récit.



D’un simple patient qui attend une réponse rassurante et rationnelle, il se transforme en patient-héros qui démarre une quête initiatique, dans l’attente d’une parole authentique et juste, sur ce mal indéfinissable qu’il faut guérir.



En quête d’une écoute favorable, le vagabondage thérapeutique démarre et l’acouphénique frappe à toutes les portes, à qui veut bien l’entendre. Mais c’est avec cette double appartenance, à la fois celle du héros qui démarre sa quête en voulant se faire entendre, et celle de victime qui vient chercher une solution sur ce mal indéfinissable qu’il faut guérir .



Après ce périple souvent décevant le patient en vient parfois à douter de la véracité de ses sensations, voire de lui-même. La confusion s’installe en lui et il s’interroge sur la l’authenticité de ce bruit.



L’acouphène, cet inconnu…



S’il est vrai que l’acouphène amène une confusion chez celui qui le vit, il reste également une énigme dans le milieu médical ou même scientifique. Car l’acouphène, et c’est sa singularité en tant que manifestation sonore, vient heurter une logique scientifique.



Selon les lois de l’acoustique, pour obtenir un phénomène sonore, il est nécessaire que se développent au minimum trois phases :



1) la production du son, qui fait intervenir toutes les manifestations possible d’une source génératrice lorsqu’un corps est mis en vibration.



2) La propagation du son correspond au déplacement de ces vibrations à travers un milieu matériel - gazeux, liquide, ou même solide.



3) La réception du son qui, naturellement, est assuré par l’appareil auditif.



L’acouphène en tant « qu’objet sonore non identifié » vient bafouer une des lois élémentaires de la physique acoustique. Il exclut au minimum la 1ère phase, condition essentielle à l’obtention d’un son. Il est entendu en l’absence de toute source de bruit extérieur. C’est pourquoi il reste en partie un phénomène irrationnel et vient déjouer l’esprit scientifique qui fournit la base des études médicales. Il n’est donc pas si étonnant que lorsqu’une personne acouphénique consulte un médecin non averti sur ce trouble, la réponse de celui-ci soit confuse, voire maladroite.



La médecine actuelle comme la science, a besoin d’observations objectives, c’est-à-dire mesurables, quantifiables, prédictives et surtout reproductibles . Ce dernier point est l’un des fondements-clef de la médecine moderne édicté par Claude BERNARD.



Certes, cette manifestation sonore existe, mais pour le moment elle peut uniquement être identifiée par les dires d’un individu.



Il apparaît très difficile d’appliquer une méthode scientifique fiable lorsque l’on ne peut identifier un phénomène objectivable. [NDLR : la tomographie par émissions de positons (TEP) est actuellement l’une des techniques employées pour objectiver l’acouphène en visualisant l’activité des zones corticales dédiées à l’audition malgré l’absence de stimulus sonore] C’est certainement la grande difficulté que rencontre la recherche médicale dans ce domaine. Cela expliquerait en partie le retard, le peu d’intérêt et de découvertes encore réalisées dans ce secteur



La manifestation acouphénique, surtout pour l’acouphène essentiel (où il n’y a pas de pathologie associée) rejette en bloc tous les critères scientifiques cités ci-dessus. La survenue de l’acouphène paraît aussi inexplicable que sa disparition. Difficilement prévisible expérimentalement, il reste un phénomène aléatoire, sans cause vraiment certaine, mais avec des conséquences parfois invalidantes.


Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?


C’est la question que beaucoup se posent parfois quotidiennement



Chaque acouphénique est persuadé qu’un événement précis est à l’origine du déclenchement de l’acouphène. Il s’interroge surtout sur des causes extérieures qui parfois existent bel et bien ; ce sera une chasse aux canards, une randonnée en montagne, la pressurisation d’un avion, etc. ou mille autres raisons aussi hétérogènes et variées.



Cependant, si l’acouphène est associé à de nombreuses pathologies de la sphère ORL, il peut aussi venir s’installer insidieusement, un beau matin sans la moindre lésion ou dysfonctionnement d’un organe.



On s’interroge dans ce cas sur l’origine psychologique de ce symptôme, car l’on sait qu’avant l’apparition de l’acouphène dans une période plus ou moins récente on retrouve un conflit, une étape de l’existence à surmonter qui témoigne d’un désordre émotionnel profond susceptible de perturber le patient. L’acouphène serait donc un symptôme qui fluctue alternativement du domaine purement médical au domaine psychologique et émotionnel. Un mal ou une douleur qui produit un vécu affectif bien réel, bien conscient, trop conscient !



Une conscience trop consciente !


Ce qui caractérise cette souffrance, c’est qu’elle est toujours présente à la conscience de l’individu.



Nous irons pour notre part explorer les méandres de la conscience. Car c’est bien la conscience qui se comporte en tyran en venant constamment rappeler ce bruit à la personne acouphénique. Impossible de ne pas entendre, et plus on cherche à ne pas penser à ce bruit, plus il semble se renforcer. L’esprit humain ne peut pas ne pas penser et il lui est très difficile de penser par la négative. Imaginez quelques instants que vous ne deviez pas penser à la Joconde de Léonard De Vinci, immédiatement vous aurez cette image en tête ! Il en est de même avec les acouphènes. Aussitôt l’esprit se met en fonctionnement. Il cherche à penser comment ne pas penser et s’épuise dans cette recherche impossible pour se focaliser sur l’objet qui n’est pas à penser. Il en résulte une inflation dépressive de la pensée qui s’auto-alimente en une spirale négative et qui vient ancrer dans la mémoire ce phénomène sonore.



Oublier de vouloir oublier ?


Il ne reste qu’une seule solution, c’est d’oublier l’objet qui alimente la pensée. Mais ceci reste encore impossible car oublier quelque chose que l’on doit nommer c’est encore lui redonner existence. Il est nécessaire donc de passer à un autre niveau du fonctionnement logique de la pensée. Ce niveau supérieur du fonctionnement cognitif de l’esprit implique d’oublier de vouloir oublier.



Démarche de l’esprit humain qui se produit parfois spontanément lorsque la tonalité affective qui a déclenché et accompagné ces bruits est faible. Chacun dans son existence, en exerçant un effort de mémoire se souviendra de ces bruits anodins apparus après une fête, un bal, une soirée en discothèque, ou d’autres activités stressantes et disparus presque immédiatement. En demandant avec insistance à vos proches, vous vous étonnerez du nombre très important de personnes qui ont connu des périodes très brèves de ces manifestations sonores sans y attacher la moindre importance. Un peu comme si la pensée ne s’était pas arrimée à ce phénomène en évitant que ce cycle inflationniste dépressif de la pensée ne s’amorce. Un phénomène qui existe pour beaucoup, mais sans laisser de trace mnésique sans que la conscience ne soit envahie. C’est l’intensité de l’état émotionnel qui ancre dans la mémoire ce phénomène sonore.



Sous l’éclairage de la neurophysiologie, ce qui revient à se situer à un autre niveau d’analyse, on observerait certainement des liaisons entre les zones cérébrales impliquées dans l’émotionnel, l’auditif et la mémoire.



Il existe certainement un lien définissable entre le fonctionnement neurologique et la manière dont est vécue l’expérience consciente d’un phénomène acouphénique. La recherche actuelle nous le prouvera rapidement je l’espère. Cependant c’est toujours la parole d’un sujet qui valide l’activité neurologique et la parole rapportée d’un patient ne peut se réduire seulement à un fonctionnement neurophysiologique .



Le sommeil, cet oasis de silence…


Il existe d’autres moments où la conscience se modifie et où, à ma connaissance, aucun acouphénique ne rapporte de gêne auditive.



La période du sommeil pour ceux qui la trouve constitue un moment de pause où la conscience décroche et laisse la place à un autre monde, celui de l’inconscient. Dans ce moment de pause, de rupture, la conscience se met au repos en entraînant avec elle le tarissement de cette manifestation sonore.



Il faut prendre l’absence d’acouphène pendant la période de sommeil comme un signe d’espoir, car l’esprit en se mettant sous le règne de l’activité onirique amène enfin le silence. En effet, ce qui oppose l’activité consciente de l’esprit, c’est l’activité inconsciente.



La fonction certainement la plus importante de l’activité inconsciente réside dans la capacité à organiser l’oubli. Si nous devions à chaque instant être sous le joug des multitudes de souvenirs et d’informations qui sont emmagasinées dans notre mémoire, nous ne pourrions plus exister.



Le sommeil en tant qu’activité inconsciente de l’esprit constitue la période où vient se réorganiser, se trier et s’oublier les informations journalières. Comme le suggère Michel JOUVET c’est le moment pendant lequel la vie psychique se reprogramme de manière itérative.



Souvent troublé chez l’acouphénique, le sommeil n’a plus cette fonction réparatrice assurée par l’inconscient. En conséquence, la vie psychique s’en trouve perturbée.



Si l’hypnose thérapeutique amène parfois quelques résultats positifs dans le réaménagement de la vie psychique de l’acouphénique, c’est qu’elle restaure ces activités naturelles de l’inconscient : le sommeil et l’oubli.



Attention : l’acouphène revient !


Si le sommeil est une période quotidienne où l’acouphène rend grâce, on ne peut hélas s’en rendre compte parce qu’on n’a pas conscience de cet état. C’est un terrible paradoxe. Aussitôt la période de sommeil interrompue, l’activité consciente reprend le dessus et dirige son attention vers la présence ou l’absence du bruit. Dans ce demi sommeil, l’acouphénique s’étonne un bref instant par son absence ce qui revient à le nommer à nouveau. [NDLR : pour de nombreux patients, l’acouphène est de nouveau totalement invasif dès la ré-émergence à la conscience, au point qu’il leur semble que c’est l’acouphène lui-même qui les réveille]. Par ce mouvement d’esprit, l’on réactive la présence de l’acouphène. Et c’est par cette petite étincelle que se rallume le brasier alimenté ensuite par le vent de l’esprit : pour certain une tempête, pour d’autres juste une petite brise légère.



…et il n’est pas content !



Avec cette nouvelle journée qui commence, on se met à écouter ses oreilles. Peut-être pour ne pas écouter totalement le monde qui nous environne. Jean de La Fontaine disait « Tout flatteur vit au dépend de celui qui l’écoute » : c’est ainsi que l’acouphénique devient le souffre-douleur de lui-même. Difficile d’oublier… sauf à certains instants de la journée lorsque le bruit des activités couvrent ce fond sonore interne.



Entendre autrement son acouphène ?


Parfois l’acouphène revient s’interposer entre soi et le monde comme une zone-tampon. Plutôt écouter ses oreilles que d’écouter ce qui est inacceptable ou insupportable. L’individu se place à la lisière de l’autre et en même temps en marge de lui-même. Comme tout symptôme, l’acouphène est une tentative infructueuse de trouver une solution ou une nouvelle adaptation à une réalité qui dépasse la personne.



Il est essentiel de nous interroger sur la finalité de ce symptôme et ce qu’il implique comme réaménagement dans l’univers relationnel du patient.



C’est peut-être là sa fonction : faire écran entre soi et l’univers extérieur, mais surtout filtrer la relation que l’on entretient avec soi-même



Si cette manifestation sonore engendre l’isolement relationnel, elle interdit également une rencontre avec l’intimité de son propre silence. Le soir, particulièrement au coucher, l’acouphène prend des allures de tocsin. Celui-ci vient rappeler les deuils à célébrer avec soi-même : les espoirs déçus, les amours impossibles, les blessures narcissiques mal cicatrisées, etc. C’est peut-être aussi un signal d’alarme. Il y a urgence à changer ce que l’on estime de soi-même.



Habituellement un individu préfère le silence pour s’endormir. Beaucoup d’acouphéniques choisissent de s’endormir accompagnés d’un bruit de fond (télévision, musique) , pour couvrir leur acouphène. Ce n’est donc pas l’intensité d’un bruit en tant que tel, qui l’empêche de dormir, mais c’est certainement le sens que l’on donne à ce bruit.



Comprendre son propre message.



L’homme est un animal assoiffé de sens. L’acouphène est un message qui s’adresse à soi-même et qui ne demande qu’à prendre sens. De tocsin, l’acouphène peut se transformer en angélus bienveillant. De même que les tintements de cloches, sont aussi bien destinés à signaler ou à avertir qu’à rassembler ou à réunir.



Beethoven était sourd et acouphénique. Il avait dans la tête des acouphènes, mais aussi, et surtout, la musique de l’Ode à la joie de sa neuvième symphonie. Il y a en chacun de nous un compositeur, qui écrit tous les jours sa partition. Même si ce n’est pas tous les jours un chef d’œuvre, c’est sa partition.



Au delà de ses nuisances, l’acouphène peut éveiller l’esprit à une autre perception du monde qui nous entoure et de notre vie en général. C’est à chacun d’entre nous qu’il appartient d’interpréter au mieux ce message dans notre existence quotidienne pour écrire peut-être un jour un requiem pour ses acouphènes



Nombreux sont ceux qui rêvent d’une potion magique contre les acouphènes. Hélas, le remède universel convenant à tous n’existe pas, en tout cas pour l’instant. Cependant, certaines approches thérapeutiques peuvent se révéler efficaces pour soulager la souffrance qu’occasionne ce symptôme.